Pendant 30 jours, la rédaction F1 va vous proposer une rétrospective sur un Grand Prix particulier. Que ce soit un GP des années 70 ou tout récent, toutes les générations vont y er, avec un prisme différent à chaque fois. Des joies, des larmes, des tragédies, des intempéries … de nombreux événements ont marqué le monde de la F1 jusque là. Et pour la première fois de son histoire en 2008, la Formule 1 débarquait à Singapour, lors de la 15e manche de la saison. Ce week-end de GP se voyait aussi être le 800e depuis la création de la Formule 1, et le premier GP couru de nuit.
Singapour, un diamant à polir
Pour la première fois de son histoire donc, la Formule 1 s’est vue courue de nuit. En 2020, cela paraît tout à fait normal, et même réalisé dans plusieurs pays différents (Bahreïn, EAU). Et pourtant, en 2008, le petit monde de la F1 le découvre. Le circuit urbain de Singapour s’éclairait alors pour la première fois de mille feux, et était prêt à accueillir la Formule 1 pour une course plus que mémorable.
Le tracé de Singapour est intrinsèquement très atypique. Le Marina Bay Street Circuit est un circuit comportant 23 virages, très bosselé, et très physique. Plusieurs fois modifié jusqu’à maintenant, il comportait dans sa version originelle une chicane extrêmement difficile à négocier, qui causa bien des torts aux pilotes (en particulier à Räikkönen en 2008). Dessiné autour du port de Singapour, à la façon de Monaco, ce tracé est jonché de plus de 1500 lampadaires, permettant d’éclairer la piste. La course se déroule de nuit, afin de permettre notamment aux spectateurs européens de pouvoir la regarder en direct.
Alonso au cœur de la nuit
Premières qualifications de nuit
Comme pour la course, les qualifications devenaient historiques. De nombreuses anciennes gloire de la F1 avaient d’ailleurs fait le déplacement, comme par exemple Jody Schekter, champion du monde en 1979. Massa négociait de fort belle manière ces qualifications, en devançant Lewis Hamilton de plus de 6 dixièmes de seconde. Räikkönen se classait 3e, devant Robert Kubica. Les 4 premières places étaient tenues par les 4 premiers pilotes au championnat. Derrière, Sebastian Vettel continuait de jouer le trublion, après sa tout récente victoire à Monza. Le jeune Allemand se qualifiait 6e, devancé par Kovalainen, alors chez McLaren.

Le futur vainqueur, quant à lui, ne pouvait faire mieux que 15e. Alors que l’Espagnol bénéficiait enfin d’une voiture compétitive, la mécanique le trahissait cette fois. Une panne d'alimentation ne lui permit pas de réaliser de temps lors de la deuxième séance de qualifications. Il se classait alors juste devant Nelsinho Piquet, pour ce qui s’annonçait comme une course calvaire pour Renault. Sans victoire depuis quasiment 2 ans, le temps devenait un peu long.
Une course jonchée d’erreurs
Le départ devenait presque le seul moment sans réel encombre, tant la course fut parsemée d’accidents, de bris de carbone, et d’erreurs techniques. Avec un départ très maîtrisé, Massa, au sommet de son art, creusait déjà l’écart avec Hamilton. Derrière, une touchette entre Kubica et Kovalainen faisait perdre au Finlandais quelques places. Rapidement, les spectateurs et les pilotes se rendirent compte que déer sur ce circuit n’était vraiment pas une mince affaire.

Très peu de places étaient échangées lors des premiers tours, et il fallu attendre le 13e tour de course pour avoir un peu d’action. Piquet catapultait sa voiture contre le mur au 17e virage du circuit, et la voiture de sécurité sortit alors. Auparavant, Alonso s’était arrêté un tour plus tôt, et se retrouvait alors miraculeusement dans le peloton de tête. Il est alors devancé par Rosberg, Trulli, Fisichella et Kubica. L’Allemand était sanctionné d’un drive-through pour s’être arrêté alors que la Pit Lane était fermée (comme Kubica). Les deux Italiens ne s’étant pas arrêtés encore, la voie royale s’ouvrait pour Alonso. Massa, qui était en tête du GP avant l’accident, a été victime de la maladresse de Ferrari.
Crash de Piquet, effet domino
Au 14e tour, alors que tous les pilotes se pressaient dans la voie des stands, les teams décidaient alors d’actionner manuellement les systèmes de feux rouge et vert (remplaçant la « lollypop »). Et pour Ferrari, ce fut une catastrophe. En ant au vert, le feu indiquait à Massa de sortir du pit stop. Pourtant, l’équipe était encore en train de remplir son réservoir à essence. Le tuyau était arraché, et la course du Brésilien ruinée, sortant bon dernier. Cela condamnait aussi la course de son coéquipier, qui patientait derrière lui pour changer également de pneus et se ravitailler. Räikkönen devait alors s'employer pour remonter dans le peloton.

Après cette cohue générale, la course s’assoupissait un peu, seulement ravivée par la deuxième salve d’arrêts aux stands. Trulli, victime d’une panne hydraulique, envoyait Massa dans le mur (qui tentait de l’éviter). Le Brésilien repartait, mais faisait comme victime collatérale Sutil. L'Allemand ne pouvait éviter a collision, et la Safety Car sortait une nouvelle fois. Un regroupement de pilotes plus tard, la course redémarrait, et tendait à sa fin. Dernier pilote victime d’accident, Räikkönen faisait alors une croix sur le titre. En tirant tout droit à la double chicane au niveau du virage 10, le Finlandais abandonnait à Singapour ses derniers espoirs de titre, laissant Massa seul face à Hamilton.
Alonso, lui, filait alors vers une victoire qui échappait à Renault depuis bien trop longtemps. Le Japon 2006 paraissait alors si loin pour la firme au losange. L’Espagnol devançait sur le podium Rosberg et Hamilton, qui faisait la meilleure opération au classement. L’Allemand réalisait à l’époque son meilleur résultat en course, devant son ami d’enfance. Alonso savourait sur le podium sa victoire, tandis que des interrogations pointaient déjà. Pourquoi s’était-il arrêté si tôt ? Connaissait-il les intentions de Pat Symonds et Flavio Briatore, son mentor de toujours ? Encore aujourd’hui ces interrogations persistent, et de fait sa victoire ne lui a pas été retranchée. En revanche, pour Renault et ses deux protagonistes, le sort en fut tout autre.
Le CrashGate, dernier scandale en date
Deux ans après la révélation du scandale d’espionnage entre Ferrari et McLaren, la FIA était de nouveau secouée par un très grave problème en Formule 1. La chaîne de télévision TV Globo déclarait le 30 Août 2009 posséder les informations nécessaires pour prouver que l’accident de Piquet n’en était pas vraiment un. Bien que le Brésilien n’était pas une valeur sure, son abandon était resté dans un coin de la tête de nombreux suiveurs. La FIA ouvrait une enquête officielle, et le 16 Septembre 2009, Renault reconnaissait la triche.

L’accident de Piquet à bord de sa RS28 aurait été méticuleusement planifié. Un tour après l’arrêt au stand d’Alonso (dont on ne connaît pas le degré d’implication), l’ordre aurait été intimé à Piquet par Pat Symonds de percuter le mur au virage 17. Le lieu n’était absolument pas anodin, puisqu’il n’y avait pas de grue à ce niveau-là. La voiture de sécurité était alors obligée d’entrer en piste, contribuant largement à la victoire d’Alonso. Le verdict fut très sévère avec Briatore (radié à vie) et Symonds (radié 5 ans). Au final, les peines suivantes furent prononcées : Briatore et Symonds s’engagaient à ne plus jamais avoir de « fonction opérationnelle » en Formule 1, et Renault était suspendue à vie avec sursis. L’écurie perdit notamment ses sponsors pour la fin d’année 2009 (ING et Mutua Madrilena).
Avec tous ces rebondissements lors du premier GP de Singapour, nul doute que cela contribue à le maintenir au calendrier. Le GP, encore président aujourd’hui, est un véritable joyau. Le tracé, ultra-urbain, longeant le port de la Cité-Etat, met en exergue les foules. Premier GP de l’histoire couru de nuit, cette édition 2008 de Singapour restera dans les annales. 800e GP de F1 de l’histoire, et dernier scandale en date.